Tableau 1, séquence 4
Ils regardent le soleil se coucher sur la mer, tout en confectionnant des bijoux avec leurs trouvailles de tout à l’heure sur l’estran.
ROCHE : On fera quoi, dans le pays où le soleil se couche, Jonas ? Qu’est-ce qui te dit que ce sera plus facile, sur l’autre rive ?
JONAS : Moby me l’a dit.
ROCHE : Qu’est-ce qu’il en sait, ton frère ?
JONAS : Il sait tout – il sait mieux. Les gens de là-bas, quand ils se lèvent, ne s’inquiètent pas de ce qu’ils vont faire, ni de ce qu’ils vont manger, mais des poèmes qu’ils vont écrire.
ROCHE : Peut-être des jeunes comme nous sont assis dans les dunes, comme nous – sur l’autre rive, comme nous – regardant les vagues, comme nous – rêvant d’ailleurs, comme nous ?
JONAS : Peut-être.
ROCHE : Peut-être qu’ils sont deux, qu’ils s’appellent Roche et Jonas ? Quand est-ce que tu m’emmèneras le voir, Moby, à l’hôtel-thalasso ?
JONAS : La mer redescend. Regarde les vagues à marée descendante : ça avance et ça recule – ça veut et ça hésite – sont pas sûres d’avoir envie de conquérir la plage – une force les tire vers l’arrière – les vagues de marée montante, ELLES c’est des vraies conquérantes – savent ce qu’elles veulent ; elles jettent toutes leurs forces dans la bataille – nous on est des vagues de marée montante, Roche.
ROCHE : Pourquoi ?
JONAS : A cause de la rage au ventre, une autre pulsation que ceux d’ici qui renoncent : le cœur qui bat plus vite, l’enragement sous nos peaux, vitesse-turbo à l’intérieur de nous. Parce qu’on n’a plus d’avenir, de ce côté-ci de l’océan, Roche – tu le sais – sinon est-ce que tu te serais enfuie ? (Observe le collier qu’il vient de terminer :) Troisième collier. (Il le passe au cou de Roche).
ROCHE : J’aimerais bien le voir, moi, ton frère Moby.
JONAS : Tu as une jolie nuque, ce soir, Roche.
ROCHE : Arrête.
JONAS : Qu’est-ce qui reste ?
ROCHE (vidant son pochon :) De quoi faire un bracelet.
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