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Premières impressions :
Quand on parle de littérature contemporaine, on aurait tendance à oublier, qu’elle n’est pas seulement dans la poésie, ou bien la fiction, mais que le théâtre lui-même en est le lieu, une forme de mise en scène. Le texte de Laurent Contamin s’inscrit parfaitement dans la recherche moderne et critique des littératures qui nous intéressent. Toutefois, il s’agit de théâtre.
Le théâtre est souvent minoré dans le milieu poétique. Et pour cause, car ce qui est pensé comme théâtre n’est pas de l’ordre de la création, mais de la reprise théâtralisée des textes poétiques, comme cela peut apparaître souvent lors de créations de lecture par des institutions ou des associations, tel par exemple il n’y a pas si longtemps, lors des Escales hivernales organisées par l’association Les escales des lettres (Nord/pas-de-Calais) qui au lieu de faire lire Chloé Delaume, Lucien Suel ou Charles Pennequin, a fait lire leur texte par Pierre Arditi. Certes si le résultat séduit le chaland, permet un coup médiatique pour ce type d’association, reste que cela s’apparente surtout à une dénaturation des textes, tant on sait que l’écriture poétique est liée à la voix du texte. Imaginez un texte de Pennequin lu avec la suave voix d’Arditi …
Mais cette appréciation théâtrale a tendance à faire oublier qu’il y a une vraie création contemporaine liée à la scène, et qui ne date pas d’aujourd’hui, mais qui a traversé le siècle.
Valère Novarina, qui vient d’entrer à la comédie française en est l’un des signes vivants, de même que Bernard-Marie Koltès, qui loin d’être un auteur classique, déployait certains de ses textes dans une langue exigeante, langue hantée par cet innommable effroyable apparaissant par le noir, le nègre, la nuit, le néant, peu loin parfois de cet impossible bataillien, tel que l’expliquait déjà Bernard Desportes en 1993 dans son essai sur Koltès.
Laurent Contamin appartient bien à cette descendance, croisant une langue tout à la fois théâtrale et liée à la ritournelle parfois, à l’idiotie, au leïtmotiv politique. Son théâtre, éminemment politique, s’il s’inscrit ainsi dans la modernité critique, c’est qu’il est lié, comme l’explique Urszula Mikos en préface, à une généalogie théâtrale qui prend ses racines au XIXème siècle, notamment chez Juliusz Slowacki, qui pose la question “de la disparition de l’humain dans la société-ogre qu’il a créé mais qui le dépasse, la réréliction des esprits ou des âmes”. Toutefois, le travail d’écriture de Laurent Contamin, s’il est dans cette ligne généalogique, n’en répète pas les traits romantiques d’écriture, mais tout à l’inverse, réinvestit cet héritage dans une langue qui interroge ce que peut être l’identité des hommes aliénés.
Au théâtre, nous le savons, ce qui fait corps, ce ne sont pas d’abord et avant tout les éléments qui contextualisent les paroles, mais ce sont les paroles elles-mêmes. Ainsi, Laurent Contamin crée ses personnages à partir des mots qu’il place dans leur bouche. Bribes de langues médiatiques, bribes idiotes et sans profondeur, souvent phrases de rien qui tout en étant dites, n’énoncent rien d’autre que la difficulté d’être, de dire, de s’ouvrir à l’autre. Banalité écrasante alors de certains dialogues, qui ne trahissent aucunement une faiblesse d’écriture, mais qui tout au contraire donne avec insistance l’impossibilité pour la vie de trouver accès à une expression la déterminant authentiquement.
En bref, car il ne s’agit ici que de présenter rapidement ce nouveau livre publié par les éditions Ragage, une pièce de théâtre à découvrir, avant peut-être de la voir sur scène.
PB
(Critique parue sur le site www.libr-critique.com)